Scandale des implants : une solution française pour une traçabilité exhaustive
En novembre dernier, la publication des « Implant files » secouait le monde médical. Le Consortium International de Journalistes d’Investigation (ICIJ) mettait alors en lumière de larges manquements au contrôle des Dispositifs Médicaux Implantables (DMI) et la multiplication des incidents liés. Une entreprise de Bordeaux apporte une solution inédite à cette problématique et les fonctionnalités vont même au-delà de la traçabilité…
TRAÇABILITE ET PARCOURS PATIENT
Depuis 2007, un décret régit la traçabilité des DMI. Il impose que soit remis au patient une fiche de traçabilité mentionnant la référence du produit implanté, son numéro de lot, de série, sa date de péremption… Pourtant, dans 50% des cas, ce dossier est incomplet ou non conforme (enquête de la Direction Générale de l’Offre de Soins de 2014).
La traçabilité est souvent référencée à l’aide d’étiquettes-produits collées sur le dossier patient, une démarche peu sécurisée et chronophage… Pour améliorer le processus, la société Ehtrace a développé une solution mobile pour tracer exhaustivement non seulement les DMI mais aussi les DM (Dispositifs Médicaux type compresses, masques, fils, aiguilles…).
Tout réside dans une tablette qui s’apparente à un smartphone. Fini donc le PC installé le long d’un mur. « L’infirmière n’a plus à tourner le dos au champ opératoire, précise Christophe Le Borgne, l’un des trois fondateurs. Elle peut rester en permanence face à son patient ».
La tablette a la capacité de scanner et d’interpréter tous les types de codes-barres. Le premier étant celui du bracelet du patient, pour l’identifier. Mais la difficulté est surtout liée aux DM et DMI, pour lesquels il existe une hétérogénéité des codes-barres. « Notre système expert scanDM (breveté) va chercher dans une base de données embarquée et autonome pour repérer les informations, même sur les codes-barres non standards », souligne Laurent Olivier, un autre co-fondateur. Une prouesse puisque, lors d’une opération, jusqu’à 140 DM peuvent être utilisés et seront tracés par scanDM, de manière exhaustive.
Tout au long de l’opération, chaque étape, chaque élément, chaque formulaire est tracé. Liste du personnel présent, salle, discipline, check-list HAS, formulaires de facturation, demande d’analyse en laboratoire, heures d’entrée, d’incision, de sortie du patient… Le nombre d’informations ainsi collectées est conséquent. Le type de renseignements recueillis étant décidé par l’établissement : « scanDM passe par un configurateur pour activer les différents paramètres demandés afin de s’adapter aux méthodes de travail des services utilisateurs », précise Laurent Olivier. Un travail de fond qui s’accompagne d’une refonte des organisations.
Nicolas Boy, contrôleur de gestion et chef du projet Ehtrace au sein de la Polyclinique de Navarre (Pau), se souvient : « avant le début du déploiement, en novembre dernier, nous avons dû remettre à plat toute notre base de données contenant plus de 4000 références. Un travail qui nous a permis de lever des lièvres. Nous avons découvert des erreurs que nous faisions depuis des années ».
Enfin, à l’issue de l’opération, le patient reçoit une fiche de traçabilité pleinement conforme aux exigences du Ministère de la sante.
DES COUTS PASSES AU CRIBLE
Lors du passage en bloc, le prix des dispositifs médicaux oscille entre quelques centimes et plusieurs centaines d’euros. Pourtant, à la sortie d’une opération, impossible de quantifier la référence et le nombre des items utilisés. Impossible donc également de déterminer les sommes dépensées à ce poste. Une lacune qu’a pu constater Nicolas Boy. « Il y a 2-3 ans, nous avons assisté à une explosion des dépenses de DM et DMI, sans pouvoir la justifier. Dans une logique d’analyse (Etude Nationale des Coûts) et de rentabilité, il était inconcevable de ne pas pouvoir connaitre la comptabilité par poste ». Quand on sait que les DM et DMI représentent 5.3 millions d’euros de dépenses annuelles pour l’établissement, la question devient effectivement cruciale.
Avec scanDM, pour chaque passage au bloc, un rapport d’intervention est fourni. Il intègre une synthèse financière détaillant le coût des DM, des DMI, celui de l’intervention et le temps d’opération. « Cela constitue une formidable base de données statistiques, explique Laurent Olivier. Il est dès lors possible d’analyser les coûts par pathologie, par chirurgie, par chirurgien, par établissement, etc ». Il est alors envisageable d’améliorer les usages et de mettre en lumière des écarts types.
DES APPLICATIONS VASTES
Optimisation de l’occupation des salles, gestion des commandes et des stocks… Les applications peuvent être multiples. Nicolas Boy résume l’attractivité de cet outil : « initialement, nous avons choisi scanDM pour mieux gérer nos coûts. Désormais nous sommes convaincus de son utilité car il va bien au-delà et a emporté l’adhésion de tous les services. Le service qualité apprécie l’informatisation du DPI et la suppression du papier, le service des commandes voit son travail allégé, le service de stérilisation est mieux informé des matériels stérilisés ou à stériliser, et la direction peut avoir une vision à la fois globale et très fine sur le bloc ». En définitive, le système surprend par la diversité de ses impacts. Un gage d’avenir pour scanDM.
Par Marion BOIS,
Publié le 12/06/2019